mardi 4 janvier 2011

L'après Aconcagua

Actuellement, je suis dans le bus Los Penitentes – Mendoza. Le trip Aconcagua est donc vraiment terminé. Vous l’avez appris dans mon court message du 1er janvier, ni Patrick ni moi n’avons atteint le sommet. Il faut dire que peu de grimpeurs ces jours ci ont réussi à atteindre le sommet du Cerro Aconcagua, Dame Nature ne collabore pas vraiment avec nous.
Le 25 décembre, nous avons pris notre journée OFF au base camp. Je vous avais dit dans l’un de mes derniers messages que le 25 décembre était une journée parfaite pour atteindre le sommet, en raison de la température clémente au sommet. Nous venons tout juste d’apprendre que 3 gars sont partis de Plaza Argentina, à environ 4 400 mètres d’altitude, ce jour-là. Après avoir atteint le sommet et 18-20 heures d’effort, l’un des gars est décédé en redescendant du sommet, en raison d’hypothermie et d’engelures.  La prudence est de mise en montagne.
Après avoir passé un 15 minutes connectés sur Internet, nous avons eu une belle surprise au retour à notre tente. UNE INVASION BELGE !!!! Près de 40 personnes s’entassaient tout près de notre tente, pour ne pas dire SUR notre tente. Patrick a fait ni un ni deux, il est allé jouer du coude pour protéger la super tente Mountain Hardwear à son ami « Loulou » ! Incroyable, on aurait cru que nous étions invisibles, je ne sais trop pourquoi ils étaient ainsi excités près de notre tente. Les caméras vidéos, caméras photos, les longues accolades, les pleurs et tout et tout ! Finalement, nous avons su que l’expédition belge visait à amasser des sous pour les gens asthmatiques et que parmi eux figuraient le ministre-président flamand Kris Peeters ainsi que l’ancien champion de natation Fred Deburghgraeve. Tous deux ont été contraints d’abandonner quelques jours plus tard. C’était juste drôle de voir une des « fefilles » chialer car il y avait une roche sous le sol de sa tente….hihih ! On s’est bien bidonnés Pat et moi ;-). Nous n’avons pas trouvé de vidéo encore sur Internet mais ça serait juste drôle de voir Pat lutter pour sa tente où étaient accrochés mes sous-vêtements pour sécher au soleil.
http://www.lesoir.be/actualite/belgique/2010-12-28/kris-peeters-abandonne-l-ascension-de-l-aconcagua-811098.php
Après une bonne journée de repos, nous avons « pacté » tout notre matériel pour déplacer notre campement à Nido de Condores, à 5 380 mètres d’altitude. Malgré que nous avions sélectionné notre matériel avec soin, en ne prenant que ce qui était essentiel pour les prochains jours, mon sac de 105 litres et le sac de 130 litres de Patrick débordaient !!!! Les mules Houde et Munger transportaient chacune un sac beaucoup trop lourd. Estimation rapide, j’avais environ 55 livres alors que Patrick en avait 75 sur le dos. Difficile de grimper 1 kilomètre plus haut quand ton sac est si pesant….. Après 3 heures d’effort soutenu, nous avons dû établir notre camp à Plaza Canada et non à Nido de Condores comme prévu. Le ciel se couvrait et nous ne voulions pas être pris dans une tempête. La sagesse s’impose parfois ;-)
Maintenant, un sujet étonnant, qui démontre quelque peu à quel point nous devons faire des drôles de choses dans une telle expédition. Dans le parc provincial Aconcagua, il est interdit de jeter des déchets, même ceux provenant de notre corps…..voyez ?! En entrant dans le parc, on se fait remettre chacun un sac, pour livrer nos déchets humains, plus souvent appelés « cacas ». Dégueulasse ?! Oh que oui !! Patrick et moi en avons ri plus d’une fois, en se demandant souvent lequel entre nous deux allait rapporter le « sac à m……. » hihihihihi ! Nous avons identifié trois options pour faire nos cacas : 1. Le fameux sac de plastique d’épicerie 2. La boîte vide de Pringles (faut avoir du visu en titi !) 3. Les sachets vides de Mountain House (bouffe déshydratée que nous consommons matin, midi et soir) refermés avec du duct tape pour ne pas confondre lors du repas. J’ai été l’heureuse élue pour attacher sur mon sac de 105 litres, le fameux « sac à m….. », il n’y a pas eu de fuite, à mon grand bonheur ;-) C’est le prix à payer pour venir à l’Aconcagua et C’EST COMME ÇA !!! Désolée de vous avoir coupé l’appétit si vous étiez en train de « munger »…hahahah !
Au réveil, nous emplissons à nouveau nos sacs car l’objectif est de se rendre à Nido de Condores. Deuxième journée avec ce poids sur le dos, je dois avouer que je l’ai trouvé éprouvant ce 27 décembre. En plus, près d’arriver à 5 380 mètres, le ciel s’est couvert et il s’est mis à neiger. Étonnant car en plus, le ciel grondait, on entendait le tonnerre. Fiou, nous arrivons à trouver le campement et le choix de notre emplacement n’est pas très long. La fatigue s’est emparée de nous et avec les gros flocons qui tombent, nous devons rapidement nous couvrir. Nous commençons à être habitués à monter la tente et le partage des tâches est assez bien déterminé. Une fois la tente montée, je vais à l’intérieur et Patrick me remet le matériel que nous avons besoin pour le dodo et les repas. Le reste demeure dans les sacs qui sont dissimulés dans le plus petit portique. Puisqu’aucune source d’eau n’est à notre portée, Patrick doit rapidement entamer le « travail » de faire fondre de la neige pour nous hydrater.
Nous étions loin de nous douter que les 3 prochains jours, nous serions coincés sous la tente, à attendre que la tempête passe. Neige, froid et forts vents nous ont cloués à Nido de Condores. Par chance, nous avions prévu le coup, ayant en notre possession suffisamment de gaz blanc nécessaire à la fonte de la neige, qui sert à nous hydrater mais aussi à cuisiner nos sachets de Mountain House, que nous avions également en quantité suffisante. Lors de la montée, nous avons croisé quelques personnes qui ont dû redescendre au base camp pour aller récupérer ou « quêter » du gaz ou de la nourriture. Loin de nous l’intention que ça nous arrive !!
Nos journées ressemblaient à ceci : réveil à 10 heures le matin, on mange, fait bouillir de la neige, sort un peu pour faire nos besoins à l’extérieur de la tente, on mange encore, visite chez le « ranger » (gardien du parc) pour enquêter sur la météo, on lit, on fixe le plafond de la tente, on dit des niaiseries, on placote, on se raconte des histoires, on mange des biscuits, des chips, des jujubes….En gros, c’était pas mal ça pour 12 heures de temps, avant de se recoucher à nouveau. Dieu sait qu’on en a passé du temps à l’horizontal à ne rien faire. La première journée, nous avons réussi à sortir en avant-midi mais ça s’est rapidement gâté par la suite, nous obligeant à retourner dans notre confortable et chaleureuse maison « de luxe ». Les nuits étaient froides et venteuses mais dans un sleeping moins 40 degrés celcius, on arrive à bien dormir malgré la dureté du sol.
Petit parallèle : j’ai lu plusieurs pages du livre « Conquérant de l’impossible » de Mike Horn qui a réussi à faire en 2 ans, le tour du cercle polaire arctique. Des froids de moins 60, il en a rencontré, des tempêtes pas possibles, il a dû en affronter.  J’étais dans un décor semblable, ça faisait drôle !
Le 30 décembre, durant l’après-midi, nous avons dégourdi nos jambes en optant de nous rendre au camp Berlin, situé à 5 900 mètres. Nous avions ainsi deux objectifs : nous acclimater et partir à la reconnaissance de la trail car il était fort possible que nous allions faire une tentative pour le sommet le lendemain. Avec le soleil qui plombe sur le versant nord de la montagne et les nombreux grimpeurs qui se rendent pour la nuit au camp Berlin, la montée est agréable. Nous faisons d’ailleurs la rencontre de David et sa gagn de britishs fort sympathiques. Au base camp, ils étaient à côté de nous, nous avons donc pu faire leur connaissance. Nous ne savions même pas qu’ils étaient eux aussi coincés à Nido depuis plusieurs jours. C’est vous dire comme on sortait peu de notre tente ;-) En redescendant vers Nido, encore une fois, il a neigé. Petit détail, c’est l’été actuellement en Argentine et la voie normale que nous empruntons est très rarement enneigée à cette période ci de l’année ce qui est censé rendre son ascension plus facile. Ouin, ouin, ouin, on repassera pour cette année…… !
ENFIN, le 31 décembre, ma montre réveil sonne à 2 heures du matin. Les vents forts soufflent toujours et le givre qui recouvre toute la tente nous indique qu’il fait très froid dehors. Mais quand même, nous persistons et nous nous préparons pour la montée : déjeuner, préparation du matériel requis, habillement et hésitation à partir nous amènent à ne sortir de la tente pour débuter l’ascension que vers 4h45. Évidemment, il fait noir, la trail est maintenant complètement recouverte de neige et personne n’est passé avant nous. Il faut ouvrir la trail !! À chaque pas, on cale de 2 pieds, ce qui rend plus difficile la montée. Peu de temps après le départ, tellement le froid était saisissant, Patrick me dit : « tsé Nat, on n’est pas obligés de nous rendre au sommet. » Cela m’a bien étonné venant d’un gars qui a affronté à plusieurs reprises des tempêtes et des froids importants lors de ses expéditions hivernales. Mais, il me connait peu et ne sait probablement pas que l’abandon fait très rarement partie de mes options. Je me réfère à mon expérience de l’an dernier en Bolivie et lui dit que je souhaite attendre que le soleil sorte vers 6 heures, possiblement que la température grimpera à cet instant et le moral s’améliorera puisqu’au moins, on va voir le décor devant nous. Mais, une fois arrivés au Berlin camp, à la vue d’une petite hutte, dont la porte ne ferme même pas, j’insiste pour que nous y entrions pour réchauffer mes pieds que je n’arrive presque plus à sentir. Mes orteils sont effectivement très très froids, j’ai peine à les bouger. Patrick doit faire comme moi. Ensemble, nous tentons de réchauffer nos pieds. En alternance, j’installe l’un des pieds de Patrick sous mon aisselle afin de lui fournir de la chaleur. Après un bon 30 minutes à l’intérieur de la hutte,  nous sommes forcés d’admettre que nous ne pourrons pas poursuivre notre route. Il reste plus de 1 000 mètres à monter, le froid est toujours aussi présent et de toute évidence, nos pieds vont geler à nouveau rapidement. Comme je l’ai dit à Patrick : « deux sportifs comme nous, on ne peut pas se passer de nos orteils, il faut agir sagement et intelligemment ». Tant pis sommet, ce n’est que partie remise mon cher !
Avant de quitter, j’ai tenu à aller coincer dans un rocher, un signet de ma maman, disparue depuis près de 5 mois. Je l’ai installée pour qu’elle ait une vue incroyable sur les montagnes.
Désolée mais c’est le mieux que j’ai pu faire maman pour aller te dire un pti coucou ! Je suis convaincue que tu es fière de la décision que nous avons prise, Patrick et moi et que tu nous as guidés vers ce choix. Je t’aime ma jolie xx
Lors du chemin du retour, nos traces étaient déjà effacées par le vent qui avait soufflé fort. En regardant vers le ciel, nous pouvions apercevoir le sommet qui était déjà couvert par les nuages et par ce qui nous a semblé être le « viento blanco » qui annonce une tempête. Cela nous réconfortait dans notre choix d’avoir abandonné l’idée de nous rendre au sommet, au risque de perdre un ou quelques doigts de pieds. D’ailleurs, en enlevant mes bas de retour dans la tente, j’ai vite remarqué que mes 2 petits orteils étaient tout blancs, j’avais même un plaque de sang sur le côté du pied droit. Très rapidement, Patrick et moi avons fait des pieds et des mains (ahahah !) pour réactiver la circulation. Tout est maintenant ok, mes petits orteils ont survécu. Avant de décider de redescendre au base camp, je suis allée consulter le ranger pour connaitre la prévision météo des prochains jours. On nous annonçait du mauvais temps, ce qui confirmait que nous allions redescendre à 4 300 mètres, à la Plaza de Mulas. Le démontage de la tente n’a pas été chose facile. Suite aux tempêtes, elle était ensevelie sous quelques pieds de neige et même la glace la fixait solidement au sol.
Bien que nous soyons en descente, le poids du sac sur mon dos m’écrase et à tout coup, je risque de perdre pied et de chuter par terre, avec cette neige qui recouvre le sol. Il ne fallait surtout pas que je tombe, avec le super « sac à m….. » attaché à mon sac à dos. À l’approche du base camp, mes jambes commencent à « shaker », je suis épuisée et j’ai de la difficulté à garder le focus. Avec le ravin tout près, je ne peux pas me permettre d’erreur car je risque de débouler et encore une fois, ça ne serait pas chic de débouler avec «  un sac à m…. »…ahahahah !
Comme consolation à l’échec du sommet, j’ai eu la chance de croiser une femme remarquable au base camp !! En effet, à notre retour, le décor avait beaucoup changé au base camp : beaucoup plus de tentes en raison de la haute saison qui débute et tous plein de nouveaux visages, dont deux de québécois qui sont tout près de nous. Denis vient s’entretenir avec nous et nous informe que Sylvie, qui l’accompagne, est venue faire une tentative il y a 4 ans mais sans succès en raison de la météo. Déjà, le nom de Sylvie me marque puisque peu de femmes constituent le milieu de l’alpinisme. Je la regarde à plusieurs reprises mais me dit que ce n’est sûrement pas elle. Mais pourtant, il y a plein de badges sur son manteau : drapeaux du Québec, du Canada et le lendemain, je reconnais le logo de son site web. Hé oui, c’est bien elle, Sylvie Fréchette, pas la nageuse synchronisée mais bien la Valdorienne qui a atteint en solo le 21 mai 2008, le toit du monde, mieux connu sous le nom d’Everest.  À l’époque, un collègue de travail m’en avait parlé et sur le champ, je m’étais précipité chez Archambault pour me procurer son livre que j’ai dévoré. J’y ai découvert une femme d’une détermination sans limite, impressionnante, inspirante, courageuse, fonceuse, bref, un modèle pour moi et voilà que je l’avais « live » devant moi. Nous avons discuté pendant quelques minutes, j’ai fait ma téteuse et demandé une photo. Elle m’a dit des paroles que jamais je ne vais oublier !!! Patrick a dû me trouver tannante pendant le chemin du retour du base camp jusqu’à Los Penitentes, j’ai fait si souvent référence à cette rencontre plus que mémorable pour moi : Nat la mini alpiniste avec Sylvie, la grande alpiniste.
Si vous désirez une conférencière dans votre milieu de travail, je vous la recommande. Je l’ai proposé au « garnement » mais ma demande n’a pas abouti nulle part.
Quel bonheur de prendre une vraie douche chaude et de dormir dans un bon lit douillet après près de 2 semaines dans les montagnes. On s’aperçoit comme de telles banalités peuvent valoir parfois si cher.
Tel que je l’ai dit dans mon message précédent, j’ai vécu une aventure parfaite, qui aurait été plus que parfaite si nous avions atteint le sommet. Ce n’est que partie remise !!! Patrick et moi comptons bien un jour faire une seconde tentative. Quelques aspects de notre stratégie seront ajustés mais pour une première, je vous jure que l’on a super bien travaillé et comme on l’a si souvent dit, on faisait un super bon team ;-)
Maintenant que nous approchons de Mendoza, il nous reste à aller profiter du bon steak argentin et des bons Malbec de Mendoza dont nous avons été privés pendant trop longtemps !! Ce soir, nous prévoyons souper en compagnie de Patrice et Sébastien, les deux québécois connus lors de notre première soirée à Los Penitentes ainsi qu’avec la gagn de sympathiques british qui logent au même hôtel que nous !! C’est une belle soirée en vue, j’en suis convainue !
Cette aventure est sans contredit l’une des plus marquantes et enrichissantes de toute ma vie. Sans hésitation, je souhaite répéter l’expérience, j’ai encore beaucoup à apprendre. Nous faisons partie des rares personnes qui ont osé le faire dans une autonomie quasi-totale, n’eut été du transport des bagages par les mules…..
Je vous embrasse et vous dit à bientôt en Patagonie !!
Mule Munger xxxxxxx
PS : les photos suivront sous peu...je manque de temps un peu !!

5 commentaires:

  1. Nat, t'es la meilleure.
    T'es téméraire et intelligente.
    Je suis certain que mon papa était avec ta mère et ont applaudit vos exploits et décisions. Je lis ton récit et les larmes me viennent au yeux.
    Rock On Nat!

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  2. Oui Bravo Nat, ton récit est inspirant et émouvant!
    tu est la meilleure, bonne continuation de trip et tout le meilleur pour toi en 2011!! :)

    Maude

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  3. Quelles belles rencontres tu fais!!
    Quelle belle expérience de vie!
    Continuez de rester sage dans vos décisions

    Marc Duf

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  4. J'ai tellement hâte d'un jour me rendre chez Archambault à mon tour pour aller acheter TON livre et dire fièrement à la caissière: "Elle, c'est ma chum!" :) xx

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  5. Partir de Nido pour l'assaut sur le sommet est une bien trop longue journée, t'as le temps uniquement si les conditions sont ultra parfaite. Bravo pour la décision de virer de bord, c'est pas facile à prendre, mais c'est important.

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